Le mot Massage est-il autorisé ?


Le terme massage n’est plus réservé aux kinés

La nouvelle loi de modernisation du système de santé, parue au Journal Officiel le 26 janvier 2016, a donné lieu à de nombreuses modifications de la partie législative du code de la santé publique.

 

Ainsi les masseurs-kinésithérapeutes (MK) ont vu leur profession nettement valorisée. Le ministère de la santé a dû aligner la formation des MK sur les standards internationaux. Leur niveau d’études est passé de 3 à 4 ans. Le métier a été aussi revalorisé à travers la possibilité d’établir un diagnostic et de prescrire un traitement. L’activité de masseur-kinésithérapeute, souvent considérée comme paramédicale, se voit aujourd’hui plus « médicalisée ».

La profession de masseur-kinésithérapeute est bien différente, tant dans ses objectifs que dans ses moyens, de celle du praticien en massages-bien-être (PMBE) et si cette valorisation de la profession de masseur-kinésithérapeute s’avérait nécessaire pour les MK, elle est des plus profitables aux PMBE, c’est la fin d’une exception franco-française.

 

Mais avant les explications, un peu d’histoire.

Les MK ont toujours argué que le massage, de quelque nature qu’il soit, c’est à dire thérapeutique ou non, leur était strictement réservé. Pour ce faire, ils s’appuient sur l’article L4321-1 modifié par la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 « La profession de masseur-kinésithérapeute consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale ».

 

Tout commence à la fin des années 80, le bien-être se démocratise, et pas seulement. Plusieurs facteurs vont être déterminants dans la naissance de la crispation entre les MK, les esthéticiennes et les PBME :

  • Des pionniers comme Joël Savatofski (ancien MK) font connaître le massage bien-être qu’ils différencient du massage médical.
  • Les appareils de palpé-roulé, destinés à effacer la cellulite, fleurissent chez les esthéticiennes.
  • Les traditions orientales telles que l’ayurvéda, le tuina, le shiatsu se répandent en occident.

Rien ne va plus, la guerre est déclarée ! Les syndicats et le nouvel ordre des masseurs-kinésithérapeutes (OMK) créé en 1995,  estent en justice, avec acharnement, toute personne utilisant le terme massage. Les premiers procès apparaissent dont celui de notre ami Joël Savatofski qui donnera lieu à la fameuse affaire du Massage Bien-Etre (réf : livre du même nom aux éditions Yves Michel).

 

Cette affaire donnera naissance à l’Association Soutien au Massage Bien-Etre (ASMBE) puis l’association de se transformera en une fédération : la FFMBE. Depuis 2004, elle mène des actions sur le terrain, lance des pétitions… les centres de formation se regroupent, se structurent. L’engouement du public est manifeste : les spas deviennent à la mode,  dans le tourisme, les hôtels, petits ou grands, les campings etc. tous y vont de leur carte de massages. Ça y est, le massage-bien-être est démocratisé.

 

Le procès du Syndicat des MK contre Joël Savatofski ira jusqu’en Cours de Cassation, il sera perdu par les kinés, ainsi que la quasi-totalité de ceux qui suivront (il est à préciser ici que ne seront condamnés pour exercice illégal de la profession de kinésithérapeute, que les seuls PMBE qui auront occasionné une autre infraction connexe ou un préjudice physique ou corporel à un tiers).

 

Pourtant, l’inimitié des kinés à notre égard ne faiblit pas et l’Ordre des kinés s’organise pour faire la chasse aux indésirables. En avril 2010, Il trouve un accord avec les esthéticiennes : pour les MK le « massage », pour les esthéticiennes le « modelage » et pour les PMBE ni l’un ni l’autre (d’où un surnom qui nous sera alloué « les ni-ni »).

 

S’ensuit un lobbying très actif des kinés, sur internet et ses sites d’annonces, puis sur le sérail administratif afin de faire respecter l’interprétation faite par les kinés du code de la santé public : se déclarer en tant que praticien en massage-bien-être devient impossible en gardant cette appellation, des centres de formation se voient reprocher de former au massage des non kinés, le dossier de la FFMBE déposé à la CNCP (Commission Nationale de la Certification Professionnelle) est rejeté par 2 fois : impossible d’avoir un titre RNCP !

 

Nous sommes en 2015, malgré une jurisprudence constante plus que favorable pour les défenseurs du massage bien-être, la loi reste floue et en notre défaveur. A ce stade, tout semblait compromis, l’exception française existe et perdure ici comme dans bien d’autres registres !

 

Mais arrive 2016 et sa fameuse loi 2016-41 du 26 janvier « loi de modernisation de notre système de santé ». Elle a fait beaucoup de bruit médiatique, notamment sur la mesure phare du tiers payant généralisé tant décrié par le corps médical ou encore du paquet de tabac « neutre ».

 

La loi 2016-41 a intégralement « refondu » l’article L4321-1 du code de la santé publique. Ce faisant, lors de cette réforme, le législateur a enfin fait preuve de bon sens.

 

Avant de voir ce qui a changé dans l’article L4321-1, revoyons l’ancien article avec lequel les MK s’octroyaient le monopole de massage !

 

Ancien article L4321-1 modifié par la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 « La profession de masseur-kinésithérapeute consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale. La définition du massage et de la gymnastique médicale est précisée par un décret en Conseil ».

 

Cet article nous renvoi donc à la définition du massage laquelle nous est donnée par l’article R4321-3 : « On entend par massage toute manœuvre externe, réalisée sur les tissus, dans un but thérapeutique ou non, de façon manuelle ou par l’intermédiaire d’appareils autres que les appareils d’électrothérapie, avec ou sans l’aide de produits, qui comporte une mobilisation ou une stimulation méthodique, mécanique ou réflexe de ces tissus. »

 

Donc sur le fondement cette définition, pour les MK le massage thérapeutique ou non leur était strictement réservé.

 

Voyons maintenant les modifications de cet article avec la loi 2016 :

Article L4321-1, modifié par Loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 – art. 123 et 134

« La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement :

1° Des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne ;
2° Des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles.

Le masseur-kinésithérapeute peut également concourir à la formation initiale et continue ainsi qu’à la recherche.

Le masseur-kinésithérapeute exerce son activité en toute indépendance et en pleine responsabilité conformément au code de déontologie mentionné à l’article L. 4321-21.

Dans le cadre des pathologies héréditaires, congénitales ou acquises, stabilisées ou évolutives impliquant une altération des capacités fonctionnelles, le masseur-kinésithérapeute met en œuvre des moyens manuels, instrumentaux et éducatifs et participe à leur coordination.

Dans l’exercice de son art, seul le masseur-kinésithérapeute est habilité à utiliser les savoirs disciplinaires et les savoir-faire associés d’éducation et de rééducation en masso-kinésithérapie qu’il estime les plus adaptés à la situation et à la personne, dans le respect du code de déontologie précité.

 

La définition des actes professionnels de masso-kinésithérapie, dont les actes médicaux prescrits par un médecin, est précisée par un décret en Conseil d’Etat, après avis de l’Académie nationale de médecine.

Lorsqu’il agit dans un but thérapeutique, le masseur-kinésithérapeute pratique son art sur prescription médicale et peut adapter, sauf indication contraire du médecin, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d’actes de masso-kinésithérapie datant de moins d’un an, dans des conditions définies par décret. Il peut prescrire, sauf indication contraire du médecin, les dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de sa profession. La liste de ces dispositifs médicaux est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de l’Académie nationale de médecine.

 

En cas d’urgence et en l’absence d’un médecin, le masseur-kinésithérapeute est habilité à accomplir les premiers actes de soins nécessaires en masso-kinésithérapie. Un compte rendu des actes accomplis dans ces conditions est remis au médecin dès son intervention. Les masseurs-kinésithérapeutes peuvent prescrire des substituts nicotiniques. »

 

Nous remarquerons que le mot « massage » a disparu de l’article L4321-1. De fait, ce nouvel article renvoi à la définition de la masso-kinésithérapie et non plus à la définition du massage. La masso-kinésithérapie est définie par l’article R4321-1 du décret n°2015-1110 du 2 septembre 2015 – art. 2, v. init.

 

« La masso-kinésithérapie consiste en des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale, notamment à des fins de rééducation, qui ont pour but de prévenir l’altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu’elles sont altérées, de les rétablir ou d’y suppléer. Ils sont adaptés à l’évolution des sciences et des techniques. »

Si on considère que tous les procès intentés par les MK et les OMK à l’encontre de PMBE étaient estés sur le fondement de l’article 4321-1 et du mot « massage », alors à la lecture de la version 2016 du code de la santé publique, toutes sur l’utilisation du mot massage devient de fait « infondée ».

 

L’horizon s’ouvre donc aujourd’hui pour que chacun puisse exercer son métier dans le respect de la loi.

 

Jean de la Fontaine aurait pu conclure que le bon sens finit toujours par l’emporter. 

 

Co-écrit par Olivier Stettler, Directeur de l’Institut Cassiopée, et Olivier Thieu, Juriste pénaliste, BTS et un DU en droit pénal et un Master II en droit et études européennes, option sciences criminelles.


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